Hautes Fagnes - Faune et Flore à travers les âges


Au sortir des dernières glaciations, le relief et le paysage écologique du Haut Plateau se mettent en place. Il y a plus de 10000 ans, après une période d’alternance d’épisodes chauds et froids, après l’érosion du vaste plateau ardennais, commence une période que les scientifiques nomment l’aire postglaciaire ou Holocène. La faune et la flore de nos régions ressemblaient alors à ce que nous connaissons aujourd’hui dans les régions arctiques.

Photo : A. Pironet

Mais, la température s’élève lentement et une lande herbeuse parsemée d’arbres couvre le sol. Il s’agit d’une forêt claire à base essentiellement de pin et de bouleau; c'est une taïga comme on peut encore en voir dans les régions du nord de notre hémisphère. Le bouleau domine sur les terrains les plus humides. Les lithalses dégèlent et, grâce au limon imperméable provenant de l’érosion des roches primitives et qui tapisse le fond de ces dépressions, se forment des cuvettes remplies d’eau et colonisées par de nombreuses plantes, notamment des nénuphars. C’est dans ces conditions que nos tourbières voient le jour. Les grands animaux de l’époque sont l’élan, le bison ou l’ours brun notamment, mais aussi des espèces disparues de la surface de la terre quelques millénaires plus tard et plus au nord, comme le mammouth laineux ou ce cerf géant aux bois monstrueux de 3 m d’envergure ou encore ce tigre aux dents de sabre.

La grande quantité de grains de pollen retrouvés dans la tourbe de cette période atteste de la présence dominante des pins et bouleaux. Le noisetier fait son apparition vers 6500 avant JC et, dans les cuvettes, ce sont les sphaignes qui se développent et occupent la majeure partie de l’espace. Le pin, quant à lui, régresse peu à peu pour laisser la place à des espèces d’arbres à feuilles caduques. Certaines espèces de sphaignes sont à croissance rapide et comblent les lithalses, formant ainsi les premières couches de tourbe, pendant la période dite boréale, entre 6700 et 5500 avant JC.

Pendant la période atlantique qui suit (5500 à 1400 avant JC), le climat est plus chaud et plus humide. Le chêne et l’orme apparaissent et, avec les autres feuillus, dont le frêne par exemple, forment la forêt qui couvre nos contrées. La faune est à peu près celle que nous connaissons maintenant, mais avec des espèces à présent disparues comme le loup ou le lynx. Le bouleau domine toujours sur les sols humides.

Dans la seconde moitié de cette période (après 3000 avant JC), il fait plus frais et toujours aussi pluvieux. Par endroits, la tourbière haute asphyxie la forêt et forme un tapis imposant de mousses et de sphaignes montrant un léger relief formé de buttes (bulten) et de dépression (schlenken). Dans les dépressions humides poussent plusieurs espèces de sphaignes, la linaigrette à feuilles étroites, avec également le rossolis et le rhynchospore blanc. Sur les buttes, plus sèches, dominent la linaigrette vaginée et des Ericaceae telles la canneberge, la bruyère quaternée, la callune, l’andromède et parfois aussi la camarine.

Le climat se refroidit et devient moins humide. Le hêtre fait son apparition. A partir de 1400 avant JC, il prend place dans les forêts existantes. Bulten et schlenken subsistent, sauf dans les zones exploitées par l’Homme où apparaissent des Ericaceae comme les myrtilles et les myrtilles de loup. Le bouleau garde sa place à la périphérie des zones tourbeuses les plus actives.

A partir de 800 ACN, la température et la pluviométrie s’élèvent très sensiblement. Le climat devient plus doux et humide et les tourbières hautes (alimentées par les seules précipitations) sont dans leur plein essor. Même si des traces de présence et d’activités humaines sont connues avant eux, ce sont les Celtes, les Francs et les Romains qui occupent le plateau. Ils entreprennent de défricher une partie des forêts pour y tenter l’aventure agricole, culture et élevage. L’analyse des grains de pollen contenus dans la tourbe de l’époque montre une diminution de la proportion du pollen d’arbres par rapport au pollen de plantes herbacées et de rudérales notamment (le plantain par exemple). Le hêtre est très dominant sur les sols les plus secs alors que bouleau, chêne ou aulne se trouvent sur les sols où le hêtre est moins présent.

Au Moyen Age, il y a 90 % de forêts feuillues mais la région est de plus en plus fréquentée. Elle n’est plus seulement un terrain de chasse, des villages se développent et la forêt paie un lourd tribut à cette présence humaine. Les pratiques agro-pastorales de cette époque, comme le pâturage, l’essartage, l’écobuage, la récolte du foin ou de fougères, l’exploitation de la tourbe, la déforestation, le drainage, sont des activités dont les traces sont encore visibles aujourd’hui dans le paysage et l’affectation des sols. Elles ont entraîné la formation des milieux ouverts tels que nous les connaissons.

Mais cette déforestation ne se fait pas au seul bénéfice des paysans. L’industrie s’installe et on voit les maîtres de forges, par exemple, demander de plus en plus de charbon de bois comme combustible. Le hêtre est fort apprécié dans cet usage.

Les forêts feuillues primaires disparaissent et les hêtraies et les chênaies qui les remplacent perdent beaucoup en diversité des espèces qui y vivent. Suite à cet acharnement à couper du bois, la forêt s’appauvrit au point que le législateur doit intervenir pour que des arbres soient replantés en lieu et place de ceux abattus. Nul mètre carré ne doit être laissé improductif.

Photo : A. Pironet

La sylviculture, l’entretien des forêts, devient un métier ; l’exploitation forestière, une entreprise. On parle de rentabilité en forêt. C’est ainsi que les gestionnaires de bois cherchent des essences d’arbres plus productives. C’est vers 1840 environ, à l’époque prussienne, que d’importantes surfaces de landes créées par l’Homme sont enrésinées. Non spontané en Belgique, l'épicéa a été introduit en 1843, lors des reboisements de l'Hertogenwald. Pour la bonne cause, les sols fagnards sont drainés plus profondément encore. De nombreuses espèces végétales et animales disparaissent en même temps que disparaissent leurs habitats. Mais d'autres vont apparaître : les landes sèches, des chênaies de substitution…

Jadis, dans nos régions, les tourbières et les sols marécageux étaient les seules zones non boisées parce que l’eau y affleurait, favorisant la création d’une couche de tourbe pouvant atteindre une hauteur de plusieurs mètres. Certaines ont traversé les vicissitudes de la sylviculture et de l’aménagement du territoire et se présentent encore à nous comme un des rares biotopes naturels du Haut Plateau. Un véritable joyau ayant traversé les âges. Il est heureux que celui-ci fasse maintenant l’objet d’importantes mesures de protection.

Car en effet, dès 1957, afin de conserver la flore et la faune des Hautes Fagnes, une superficie de 1439 ha a été classée en réserve naturelle, grâce notamment à l'action revendicatrice des "Amis de la Fagne". Cette réserve s’est agrandie pour atteindre maintenant 6000 ha . En outre, depuis 1966, la réserve s’est vu décerner le diplôme européen pour la sauvegarde de la nature.

En dehors de la réserve, les habitats jugés intéressants au niveau européen sont maintenant regroupés dans le réseau Natura 2000 afin de les protéger et d’aider à la survie des espèces qui les fréquentent.

Mais, à l’avenir, que va-t-il se passer ?
Quid du réchauffement global de la planète ?
L’Homme arrivera-t-il à inverser la vapeur ?

Texte: Jean Fagot

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