Faune > Vertébrés > Oiseaux

Tétras Lyre

Le Tétras lyre est l’espèce emblématique des Hautes-Fagnes par excellence, mais pas seulement. En effet, à travers le monde, le Tétras fascine et est régulièrement utilisé comme porte drapeau de la crise écologique actuelle. Cette espèce-gibier (dans de nombreux pays à l’exception du notre et de quelques-uns de nos proches voisins), est également qualifiée d’espèce-parapluie, d’espèce-promotion, espèce dont l'Homme se sert souvent pour étayer des arguments dont l'oiseau se moque bien... Car le Tétras est un oiseau, tout simplement. Un être vivant et qui mérite notre respect.

Les photos de Roger ont été prises dans les années septante, lorsque les Tétras lyres étaient bien plus d’une centaine, sur le Haut-Plateau fagnard.

C'était hier...

Aujourd’hui, le Tétras est une espèce en voie de disparition dans nos contrées…

En effet, en 2010, nous comptions moins de 10 mâles, et plus de 20 en 2011. Malheureusement, le désormais tristement célèbre incendie du printemps 2011 ayant ravagé plus de 1.300ha de la Fagne des Deux-Séries a eu un impact catastrophique sur les Tétras fagnards. En effet, depuis 2011, la population n’a cessé de décliner jusqu’à atteindre le seuil critique de 2 mâles et 2 femelles en 2017. C’est pourquoi, depuis lors, des opérations de renforcement de population sont menées annuellement, afin de tenter de sauver l’espèce de l’extinction. Ces opérations sont menées par l’Université de Liège (ULiège), en collaboration avec l’Institut des Sciences Naturelles de Bruxelles et le Service Public de Wallonie (SPW- DNF) et avec la participation financière de Spadel (financement des émetteurs GPS), du WWF Belgique (financement de la mission de capture en Suède) et de la fondation Pairi Daiza (pour un volet d’élevage de tétras au sein même des Hautes-Fagnes). Rappelons que le SPW est également actif dans la sauvegarde et le suivi des tétras par son Département d’Etude du Milieu Naturel et Agricole (DEMNA) qui organise notamment les comptages annuels des populations fagnardes de l’espèce.

En 2017, 10 tétras suédois (5 mâles et 5 femelles) ont été importés dans les Hautes-Fagnes. Des résultats encourageants ont été observés suite à ce lâcher, notamment le désormais célèbre cas d’une poule ayant niché quelques semaines après son arrivée dans nos contrées.

En 2018, ce sont 18 tétras (10 mâles et 8 femelles) qui ont été amenés, de la Suède vers les Hautes-Fagnes.

Enfin, en 2019, 25 tétras (10 mâles et 15 femelles) sont venus renforcer la population des tétraonidés fagnards.

Malgré de nombreux cas de prédations, mis en évidence par les suivis télémétrique et de terrain menés par les équipes en charge du projet, la population semble reprendre une courbe ascendante, des cas de nidifications de poules suédoises ont pu être mis en évidence lors des trois années de projet, c’est pourquoi, l’optimisme peut regagner le cœur des fagnards !

Classification du Tétras lyre

Règne

Animalia

Animal

Embranchement

Chordata

Chordés

Sous-embranchement

Vertebrata

Vertébrés

Classe

Aves

Oiseaux

Ordre

Galliformes

Famille

Phasianidae

Phasianidés

Sous-famille

Tetraoninae

Tétraonidés

Genre

Tetrao

Espèce

tetrix

Carte d’identité du Tétras lyre

Nom Vernaculaire

Tétras lyre

Petit coq de bruyère

Autres langues :

Allemand

Néerlandais

Anglais

Wallon


Birkhuhn

Korhoen

Black Grouse

Coq di brouwîre

Nom latin

Tetrao tetrix

Lyrurus tetrix

Couleur du plumage

Femelle: Brun clair à roussâtre,

rayé transversalement de brun sombre

Mâle: Noir brillant, reflets bleutés

2 caroncules rouges au-dessus des yeux

Queue en lyre

Couleur du bec

Femelle: Brun-Noir

Mâle: Bleu-gris à Noir

Taille

Femelle: 46 à 53 cm

Mâle: 55 à 65 cm

Envergure

Femelle: 44 à 50 cm

Mâle: 50 à 58 cm

Poids

Femelle: 0,8 à 1 kg

Mâle: 1,1 à 1,4 kg

Longévité

Généralement une petite dizaine d’années.

7 ans en Hautes-Fagnes.

Record de 19 ans (Europe de l’Est).

Type de nid

Dépression de 20cm de diamètre et de

5 à 6 cm de profondeur

Nombre d’œufs

6 à 8 (exceptionnellement 16 !)

Ponte de remplacement possible

Habitat de prédilection

Landes sèches et humides

Tourbières

Lisères de forêts résineuses (pessière, pinèdes,…)

Nourriture privilégiée

Ericacées (Ericaceae) : Myrtille, Callune, Airelle, Andromède, Canneberge.

Laîches, Linaigrette vaginée, feuilles de Bouleau et de Saule,…

Insectes : Fourmis, Chenilles,…

Période de migration

Généralement sédentaire.

De faibles migrations de quelques dizaines de kilomètres peuvent survenir entre la

Mi-septembre et la mi-novembre

Période de reproduction

Mi-mars à mi-avril

Description

Comme vous pouvez vous en rendre compte sur les photos et dans la carte d’identité présente ci-dessus, les Tétras présentent un grand dimorphisme sexuel.

En effet, comme pour de nombreux oiseaux, le mâle est nettement plus visible et repérable que la femelle, aux couleurs plus cryptiques.

Mâle 

Le mâle, appelé également coq, possède un plumage noir à reflets bleutés avec une barre alaire, des sous-alaires et sous-caudales blanches (Voir figure 1).

Il possède des caroncules rouges. Les caroncules sont les sourcils des coqs de bruyère. Ils gonflent en période de reproduction et de stress par l’apport de sang à la tête de l’animal.

La queue du mâle présente une forme de lyre lorsqu’elle est dressée et étalée, durant la parade, mais fermée en vol. C’est d’ailleurs cette queue, à la forme de l’instrument de musique grec, qui a donné son nom au célèbre animal.

Le mâle est plus imposant que la femelle, sa taille est généralement comprise entre de 55 et 65 cm. Son envergure varie entre 50 à 58 cm. Son poids moyen est compris entre: de 1,1 à 1,4 kg.

Image

Figure 1 : Coq de Tétras lyre ©Collard Arnaud

Femelle

La femelle possède un plumage beaucoup plus cryptique. En effet, elle va devoir se cacher des prédateurs lors de sa nidification au sol. C’est pourquoi, les plumes de la poule sont brunes marbrées de sombre, avec des sous-caudales et sous-alaires blanches ainsi qu’une fine barre alaire blanche visible en vol uniquement.

La poule de Tétras ressemble fortement aux autres femelles de la famille des Phasianidés (Voir figure 2).

Elle est de taille plus modeste que son camarade mâle, comprise entre 46 et 53cm. Son envergure varie entre 44 et 50 cm, alors que son poids moyen est d’environ 0,8 à 1kg.

Image

Figure 2: Poule de Tétras lyre. ©Collard Arnaud.

Nourriture

Principalement phytophage (Voir figure 3 et tableau 1), le Tétras lyre consomme énormément d’éricacées (Ericaceae), principalement les pousses et fruits de la myrtille commune (Vaccinium myrtillus), mais aussi la callune (Calluna vulgaris), l’airelle (Vaccinium vitis-idaea), l’andromède (Andromeda polifolia) ou la canneberge (Vaccinium oxycoccos).

Au printemps, les inflorescences (=fleurs et fruits) de la linaigrette vaginée (Eriophorum vaginatum) constituent l’essentiel pour une bonne part dans son alimentation.

En hiver, lorsque la couche de neige couvre les arbustes, les chatons (= fruits) de bouleaux (Betula pubescens & Betula pendula) sont un apport nutritionnel salvateur.

Ce régime de base est complété par des pousses d’épicéa (Picea abies) ou de saule à oreillette (Salix aurita), d’épis et graines de laîches (Carex sp.) et des insectes, surtout les fourmis (Formicidae) et chenilles, notamment d’écaille-martre (Ericaceae).

Les jeunes sont particulièrement friands de jeunes invertébrés, notamment de mille-pattes (Diplopoda), d’araignées (Arachnida), de vers (Clitellata) et de limaces (Gastropoda) mais également d’insectes tels que des fourmis (Solenopsis invicta entre autres), des mouches, des sauterelles (Tettigonia viridissima par exemple), des larves, etc.

En outre, il arrive que les adultes ingèrent des petites pierres pour broyer des aliments dans leur estomac (gésier).

Image

Figure 3 : Régime alimentaire du Tétras lyre au cours de l’année. © Keulen, Houbart & Ruwet, 1997


Tableau 1: Nourriture recherchée par les Tétras au cours des saisons. ©Delvaux D., selon Keulen, Houbart & Ruwet, 1997.

Territorialité et reproduction

Relativement sociables en dehors de la période de reproduction, les Tétras lyres vivent en petits groupes, les coqs souvent à part des poules.

A la fin de l’hiver, au début du printemps, la fagne va s’animer grâce aux parades nuptiales de nos chers oiseaux. Chuintements et roucoulements vont résonner quelques heures avant l’aube. Le spectacle commence…

Le jour n’est pas encore levé. Les coqs rejoignent un à un l’arène de parade à laquelle ils restent fidèles d’année en année. Sur cette aire à végétation rase, chaque mâle va se cantonner sur un petit territoire aux limites bien définies. La fin de la nuit les verra, superbes, queue déployée en éventail montrant leur magnifique lyre, ailes pendantes, caroncules gonflées, aller et venir, tourner, sauter sans cesser de roucouler ou chuinter.

Cette débauche énergétique permet de montrer les stimuli sexuels que sont les taches blanches du plumage ou celles, rouges, des caroncules afin de conserver sa place de « balz » face aux concurrents afin, de finalement séduire une femelle.

Celle-ci, après une période d’observation en périphérie, traversera l’arène, courtisée mais sans être agressée, et choisira celui avec lequel elle accepte de s’accoupler, généralement un « ancien », coq de « haut rang » expérimenté, dont le territoire se trouve au centre de l’aire de parade.

Le but de la parade est donc légèrement différent selon le sexe de l’individu. En effet, la femelle va rechercher un coq vigoureux, tandis que les mâles, eux, vont tenter de se reproduire avec un maximum de femelles. Pour réussir ce tour de force, les coqs se battent pour les territoires stratégiques et lorsqu’une poule traverse leur zone, ils tournent autour de cette dernière pour l’obliger à rester au sein de leur partie de l’arène. Lorsque la femelle est intéressée par un mâle, elle se met en position de soumission, elle s’accroupit, le coq monte alors dessus et l’accouplement se déroule en quelques secondes.

Une fois une poule fécondée, elle ne refoulera plus l’arène de parade mais recherchera une zone idéale pour faire son nid et s’occuper des jeunes.

Peu à peu, parades et chants vont devenir irréguliers, les coqs se feront de plus en plus discrets, abandonnant aux poules le soin de s’occuper de leur descendance.

Le nid est une petite cuvette grattée dans le sol, sous les éricacées, garnie d’herbes sèches, de brindilles et de quelques plumes. Là, la poule déposera, en général, 6 à 8 œufs, ocres ponctués de brun, qu’elle couvera près de 4 semaines.

Les poussins sont qualifiés de nidifuges, c’est-à-dire qu’ils vont très rapidement quitter le nid. Tellement rapidement, qu’à deux jours, ils sont déjà capables de picorer des insectes sur les plantes. Leur nourriture, durant les deux premières semaines de leur existence, est d’ailleurs principalement composée d’insectes, notamment d’œufs de fourmis.

Les jeunes Tétras, comme de nombreux jeunes oiseaux, ne sont pas homéothermes. Cela signifie qu’ils sont incapables de réguler eux-mêmes leur température (comme l’Homme (Homo sapiens) par exemple) et sont ainsi très dépendants des conditions climatiques. C’est pourquoi, de la pluie durant ces premières semaines de vie, provoquent une grande mortalité chez les jeunes.

Les poussins peuvent voler après 10 jours d’existence seulement ! Ils commencent à se percher à 3 semaines et sont indépendant à 4 semaines.

Cependant, ils resteront jusqu’à l’automne avec leur mère qui, comme tous les Gallinacés, veille soigneusement sur sa progéniture (Voir figure 4).

Figure 4: Cycle annuel du Tétras lyre. ©Klaus et al., 1990

Migration

Le Tétras lyre est généralement très sédentaire. Néanmoins, quelquefois, des femelles et des jeunes peuvent s’éloigner à quelques dizaines de kilomètres en automne, entre la mi-septembre et la mi-novembre afin de rencontrer de nouveaux individus et d’autres sites intéressants (Voir figure 4).

Statut et évolution mondiale

Le Tétras lyre est considéré comme une espèce « peu concernée » (« Least concern ») par l’extinction à l’échelle mondiale par les instances internationales (UICN principalement). L’UICN, pour Union Internationale de Conservation de la Nature (IUCN en anglais), évalue les statuts de conservation des différentes espèces vivant sur notre planète. Néanmoins, même si l’espèce est actuellement « peu concernée » par l’extinction pure et simple, l’état de conservation de ce superbe oiseau reste préoccupant. En effet, la tendance démographique mondiale du Tétras est « déclinante », ce qui signifie que les effectifs subissent des pertes.

Le Tétras n’est pas la seule espèce de sa famille à souffrir de ce constat, relativement inquiétant… En effet, sur les 20 espèces de Tétraonidés existant dans le monde, 18 voient leurs populations diminuer année après année.

Si l’espèce est en déclin, voire en nette régression un peu partout, il existe quand même certaines zones dans lesquelles le Tétras se porte mieux. En effet, les Alpes suisses et autrichiennes et l’Ecosse possèdent des populations relativement stables.

Le fait que les Tétraonidés, et le Tétras lyre en particulier, éprouvent de grandes difficultés à survivre actuellement, s’explique par divers facteurs.

  1. 1. La première cause de déclin des Tétras lyres est la disparition de leur habitat ou le fractionnement de celui-ci. En effet, le coq de bruyère a besoin d’une mosaïque d’habitats très spécifiques pour pouvoir survivre tout au long de l’année. L’actuelle tendance à l’homogénéisation des paysages est donc le facteur numéro 1 permettant d’expliquer la régression drastique de l’espèce.
  1. 2. Le deuxième facteur principal est bien entendu la prédation. Les ubiquistes renards (Vulpes vulpes), corneilles (Corvus corone), autres corvidés, mustélidés, rapaces et même l’indésirable envahisseur, le raton-laveur (Procyon lotor), peuvent faire de gros dégâts chez les Tétras. Sur une population bien établie, la prédation ne devrait cependant pas mettre l’espèce en danger, pour autant que l’écosystème soit équilibré.
  1. 3. Un autre problème d’actualité est le climat. En effet, le Tétras demande des conditions climatiques bien spécifiques afin que la population soit dans les meilleures dispositions possibles pour survivre. Le Tétras lyre demande une couche importante de neige en hiver (au minimum 50cm) et des mois de juin et juillet secs. En effet, le coq de bruyère creuse des igloos en hiver pour se protéger du froid et éviter ainsi des pertes énergétiques pouvant être mortelles. De plus, l’igloo permet d’être plus discrets face aux prédateurs (Voir figure 5). Quoi de plus visible en effet, qu’un beau coq noir sur de la neige blanche pour un goupil affamé ? Le début d’été sec est nécessaire pour éviter que les poussins, pas encore homéothermes, ne meurent de froid ou d’une maladie contractée à cause d’un affaiblissement de leur métabolisme. D’après les connaissances scientifiques actuelles, nous pouvons dire que les conditions climatiques ne peuvent être un facteur limitant à elles seules. C’est l’accumulation des facteurs défavorables aux Tétras qui tend à rendre l’impact des conditions climatiques important. Néanmoins, il est clairement établi qu’une corrélation directe entre réussite des nichées et conditions climatiques existe. Les changements climatiques actuels, très difficiles à anticiper, pourraient donc, soit favoriser, soit défavoriser l’espèce.
  1. 4. Un autre facteur impactant les populations de tétraonidés est la concurrence des cervidés (cerfs (Cervus elaphus) et chevreuils (Capreolus capreolus)) qui sont accusés de piétiner les nids et de se nourrir des végétaux privilégiés des Tétras. De plus, les sangliers (Sus scrofa) piétinent également les nids mais vont même jusqu’à piller ceux-ci pour déguster de délicieux (nous l’imaginons) œufs et jeunes Tétras.
  1. 5. Une cause de déclin ou de limitation des populations de Tétraonidés est bien évidemment le prélèvement d’individus par la chasse. Si ce point ne pose pas de problème à l’échelle belge, c’est un problème qu’il faut prendre en compte au niveau mondial.
  1. 6. Les Tétras sont également malheureusement très sensibles à la collision avec divers objets anthropiques tels que les barrières, grillages, clôtures, lignes hautes-tensions, et autres remontées mécaniques destinées aux sports d’hiver par exemple. Les impacts entre les voitures et les Tétras est également possible. Une poule relâchée en 2018 a d’ailleurs certainement été tuée de cette façon.
  1. 7. Un antépénultième facteur est le dérangement provoqué par l’homme avec deux périodes cruciales, l’hiver et l’époque de la reproduction. En effet, le dérangement des Tétras à ces périodes a des impacts importants car les oiseaux sont stressés et donc plus sensibles aux maladies, à la prédation et à la perte de poids.
  1. 8. Enfin, la consanguinité peut amener une dégénérescence de certaines espèces (vitalité et fécondité). Ce point est particulièrement interpelant pour les très petites populations, comme c’était le cas dans les Hautes-Fagnes au début 2017.

Figure 5: Exemple d'un igloo creusé par un Tétras lyre pour se protéger du froid (et des prédateurs) en hiver. A droite, les indices de présences suite à l'envol du Tétras hors de son igloo. ©Stüwe, 1989.


En Belgique

Historiquement, le Tétras lyre était bien présent en Belgique, principalement au sein des plateaux tourbeux de la crête ardennaise, mais également en Campine.

Malheureusement, au fil des années, les populations ardennaises se sont éteintes les unes après les autres et la population campinoise a suivi le mouvement. Seule la population de la Réserve Naturelle des Hautes-Fagnes résiste encore à l’extinction malgré la chute vertigineuse de ses effectifs.


Dans les Hautes fagnes

La Réserve Naturelle des Hautes Fagnes est donc le dernier refuge en Belgique du Tétras lyre. Il est d’ailleurs l’emblème du Parc Naturel Hautes Fagnes – Eifel. C’est pourquoi, les amoureux du Haut Plateau apprécient tout particulièrement cet oiseau emblématique.

En 1967, 80 coqs étaient dénombrés sur le Haut Plateau. Sur base du sex-ratio de 1 pour 1, couramment admis pour l’espèce, signifiant que pour 1 mâle, la population compte exactement 1 femelle, l’effectif fagnard total devait se situer aux alentours des 160 Tétras.

En 1971, il y avait 200 coqs (et donc 400 Tétras) en Hautes-Fagnes. Cette brusque augmentation de population a suivi deux décisions importantes. En premier lieu, la fermeture, en 1967, de la chasse au Tétras, alors encore classé dans les oiseaux gibiers et en second lieu, la destruction des renards, en 1968, par gazage systématique des terriers, afin de lutter contre la rage.

Malheureusement, en mars 1972, de fortes mortalités ont été observées chez les coqs, probablement dues à une compétition exacerbée sur les arènes surpeuplées qui laisse alors les mâles épuisés. L’effondrement de la population va se poursuivre jusqu’en 1976.

Ensuite, jusqu’en 1995, la population se maintiendra entre 30 et 60 mâles (entre 60 et 120 Tétras au total) avec les fluctuations caractéristiques des tétraonidés. Depuis, elle n’a jamais plus dépassé la trentaine d’individus.

Si bien qu’en 2002, il ne restait plus que 23 coqs dans la Réserve Naturelle des Hautes Fagnes, ce qui signifie donc qu’il restait moins de 50 Tétras lyres en Belgique !

Le déclin a alors lentement continué jusqu’en 2010, lorsque moins de 10 mâles se trouvaient encore sur le Haut Plateau. En 2011, une remontée spectaculaire du nombre de Tétras, jusqu’à plus de 20 mâles !, nous a fait espérer que la population allait repartir dans une dynamique positive. Malheureusement, le désormais tristement célèbre incendie du printemps 2011 ayant ravagé plus de 1.000 ha de la Fagne des Deux-Séries a eu un impact catastrophique sur les Tétras fagnards.

En effet, depuis 2011, la population n’a cessé de décliner jusqu’à atteindre le seuil critique de 2 mâles et 2 femelles en 2016.

Avant l’intervention de « la dernière chance » en 2017, la population belge de Tétras lyre était au plus mal, avec à peine 4 individus (2 mâles et 2 femelles) survivants en 2016 et trois individus (1 mâle et 2 femelles) comptés en 2017 !

Depuis, la population remonte « artificiellement » grâce à l’opération de renforcement de population menée par l’Université de Liège (ULiège), en collaboration avec l’Institut des Sciences Naturelles de Bruxelles et le Service Public de Wallonie (SPW- DNF) et avec la participation financière de Spadel (financement des émetteurs GPS), du WWF Belgique (financement de la mission de capture en Suède) et de la fondation Pairi Daiza (pour un volet d’élevage de tétras au sein même des Hautes-Fagnes). Rappelons que le SPW est également actif dans la sauvegarde et le suivi des tétras par son Département d’Etude du Milieu Naturel et Agricole (DEMNA) qui organise notamment les comptages annuels des populations fagnardes de l’espèce.

L’opération de translocation de Tétras provenant de Suède était la dernière chance de sauver la population belge de l’extinction. Les équipes s’occupant du projet se sont inspirées des opérations similaires menées en Allemagne et aux Pays-Bas depuis plusieurs années afin d’augmenter les probabilités de réussite du projet.

En 2017, 10 tétras suédois (5 mâles et 5 femelles) ont été importés dans les Hautes-Fagnes. Des résultats encourageants ont été observés suite à ce lâcher, notamment le désormais célèbre cas d’une poule ayant niché quelques semaines après son arrivée dans nos contrées.

En 2018, ce sont 18 tétras (10 mâles et 8 femelles) qui ont été amenés, de la Suède vers les Hautes-Fagnes. Malgré de nombreux cas de mortalité, des nidifications ont de nouveaux été observées grâce au suivi GPS des poules suédoises.

Enfin, en 2019, 25 tétras (10 mâles et 15 femelles) sont venus renforcer la population des tétraonidés fagnards. Après ce lâcher, au moins 4 nidifications de Tétras ont été observées dans la Réserve Naturelle des Hautes-Fagnes ! De bon augure pour la suite !

Législation

Le Tétras lyre est protégé par un ensemble de législation aux niveaux international et national. Voici les principaux textes protégeant cette espèce emblématique.

Convention internationale

Berne - Annexe 3

Le Tétras lyre est cité dans la Convention de Berne, à l’annexe 3.

Cette annexe 3 stipule que toute exploitation de la faune sauvage énumérée au sein de ce texte est réglementée de manière à maintenir l'existence de ces populations hors de danger. Ces mesures comprennent notamment:

a) L'institution de périodes de fermeture et/ou d'autres mesures réglementaires d'exploitation.

b) L'interdiction temporaire ou locale de l'exploitation, s'il y a lieu, afin de permettre aux populations existantes de retrouver un niveau satisfaisant.

c) La réglementation, s'il y a lieu, de la vente, de la détention, du transport ou de l'offre aux fins de vente des animaux sauvages, vivants ou morts.

Directives européennes

CEE/79/409 - Annexe 1

Le Tétras lyre est mentionné dans l'Annexe 1 de la Directive CEE/79/409 et fait l'objet de mesures de conservation spéciale concernant son habitat, afin d'assurer sa survie et sa reproduction dans son aire de distribution. A cette fin, les états membres classent notamment en zones de protection spéciale les territoires les plus appropriés en nombre et en superficie à la conservation de cette espèce.

CEE/79/409 - Annexe 2.2 Belgique

Législation régionale (Loi sur la Conservation de la Nature)

LCN 1973 : Annexe 11

Le Tétras lyre est mentionné dans l'Annexe 11 du décret du 6 décembre 2001 modifiant la Loi du 12 juillet 1973 de la Conservation de la Nature qui indique (Article 25) que cette espèce est une des espèces d'Oiseaux de référence pour la définition de sites Natura2000.

LCN 1973 Article 2

Bien que le Tétras ne soit pas mentionné dans l'Annexe 1 du décret du 6 décembre 2001 modifiant la Loi du 12 juillet 1973 de la Conservation de la Nature, il bénéficie de la protection définie par l'Article 2 qui stipule que, sous réserve du paragraphe 3, sont intégralement protégés, tous les oiseaux, normaux ou mutants, vivants, morts ou naturalisés, appartenant à une des espèces vivant naturellement à l'état sauvage sur le territoire européen, notamment celles visées à l'annexe I, y compris leurs sous-espèces, races ou variétés, quelle que soit leur origine géographique, ainsi que les oiseaux hybridés avec un individu de ces espèces.

Cette protection implique l'interdiction :

  1. 1. De piéger, de capturer ou de mettre à mort les oiseaux quelle que soit la méthode employée.
  1. 2. De perturber intentionnellement les oiseaux, notamment durant la période de reproduction et de dépendance, pour autant que la perturbation ait un effet significatif eu égard aux objectifs de la présente sous-section.
  1. 3. De détruire, d'endommager ou de perturber intentionnellement, d'enlever ou de ramasser leurs œufs ou nids, de tirer dans les nids.
  1. 4. De détenir, de céder, d'offrir en vente, de demander à l'achat, de vendre, d'acheter, de livrer, de transporter, même en transit, d'offrir au transport, les oiseaux, ou leurs œufs, couvées ou plumes ou toute partie de l'oiseau ou produit facilement identifiable obtenus à partir de l'oiseau ou tout produit dont l'emballage ou la publicité annonce contenir des spécimens appartenant à l'une des espèces protégées, à l'exception de celles de ces opérations qui sont constitutives d'une importation, d'une exportation ou d'un transit d'oiseau non indigène.

Les Articles 5 et 5bis définissent les modalités de dérogations aux mesures de protection des espèces animales et végétales. Voir l'Arrêté du Gouvernement Wallon (AGW) du 27 novembre 2003 fixant des dérogations aux mesures de protection des oiseaux.

image
©Arnaud Collard
1/3
image
©Arnaud Collard
2/3
image
©Arnaud Collard
3/3

Texte : Arnaud Collard sur base du travail d’Annick Pironet

Photos: Roger Herman et Arnaud Collard

Pour consultez la bibliographie complète : Tétras lyre Bibliographie.

Les Amis de la Fagne

SOCIÉTÉ ROYALE ayant pour objectif
LA DÉFENSE ET L’ILLUSTRATION DU HAUT-PLATEAU FAGNARD


SITE OFFICIEL DE LA SOCIETE ROYALE
"LES AMIS DE LA FAGNE" ASBL

Siège social : Place de Petit-Rechain, 1, B-4800 VERVIERS

N° national: RPM Verviers 0408131260

0496 87 58 28 @ info@amisdelafagne.be

Copyright © Les Amis de la Fagne • Webmaster : F. Stolsem 2024